Fermer

Tête à tête avec le CSTB

Publié le 15/04/2022
Julien Hans est Directeur Énergie Environnement du CSTB et Directeur du CSTB Grenoble. Selon lui, « Le seul vrai changement depuis les constructions millénaires est que l’on se préoccupe de le faire sans nuire à la planète ». Avec le SCO, il découvre le pouvoir accélérateur du spatial pour accompagner les acteurs et la législation dans cette transition urgente et nécessaire.

Le CSTB, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, a pour mission d’imaginer les bâtiments et la ville de demain. Quels challenges doivent aujourd’hui relever les filières de la construction et de l'aménagement urbain au regard des impacts du changement climatique ?Julien Hans : Depuis la nuit des temps, nous construisons toujours dans une logique de protection et de confort. Ce n’est qu’en 1980 que sont arrivées les premières normes thermiques, alors tournées vers une logique économique plus qu’environnementale. Mais nous évoluons désormais en réponse à l’enjeu majeur du changement climatique, qui impose de réduire les émissions de GES (gaz à effet de serre), ainsi qu’à d’autres sujets émergents de pollution (eau, air, sols), de ressources naturelles qui s’épuisent et d’une biodiversité en déclin. Cette prise en compte de la finitude des ressources et de la capacité à absorber les pollutions conduit aujourd’hui à une évolution majeure dans l’acte de construire, dont nous sommes dans l’An 1 : depuis 2022, nous sommes tenus par une réglementation environnementale de comptabiliser les émissions de GES des bâtiments neufs. Associé à cela, quand on sait que les structures de bâtiments actuelles, qui émettent jusqu’à 300 kg de GES par m2, seront détruites quand nous n’en aurons plus besoin, se pose la question de la réutilisation. De fait, la circularité est également en train de s’imposer dans la construction.

Si, de l’avis de tous, il est évident qu’il fallait le faire, la Loi Climat et Résilience impacte lourdement les acteurs de la construction, qui découvrent leurs obligations. Mais ne nous y trompons pas : nous voulons faire des bâtiments bas carbone mais nous devons surtout faire des sociétés bas carbone, donc à minima des villes bas carbone. Tout aussi performant que soit un bâtiment, cela ne fonctionnera pas s’il n’est pas pensé dans le système urbain dans son ensemble.

Julien HANS - CSTB

Julien Hans © Raphaël Dautigny

Pourquoi le SCO France représente-t-il une opportunité pour l’Établissement public qu’est le CSTB ?J.H. : Avant de pouvoir aider les différents acteurs et territoires à prendre les bonnes décisions, nous avons besoin d’informations et de données pour structurer notre analyse : quels matériaux utiliser, que changer dans la conception d’ouvrage, comment assurer le confort en été… ? Quand le SCO nous a été présenté, nous avons été frappés de découvrir l’ensemble des données disponibles depuis l’espace et par la volonté affirmée de les mettre à disposition. Nous avons rapidement identifié un intérêt très fort au service de la construction et, inversement, que le CSTB possède des informations pertinentes pour plusieurs projets SCO.

D’ailleurs je n’oublierai jamais l’angle d’attaque de notre première rencontre avec le CNES : « quelles sont les similitudes entre une station lunaire ou martienne, dans un environnement offrant très peu de ressources pour la construire, et une maison qui ne consomme ni n’émet rien, donc sans impact sur son environnement proche ? » Ce point de départ  nous a menés sur des sujets très différents, prouvant que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

En quoi les données satellites vont-elles compléter ce que les équipes de votre établissement font déjà en matière de climat ?J.H. : Au CSTB, la priorité se trouve aujourd’hui à la rénovation du parc bâti, qui doit consommer moins et se protéger des conséquences du changement climatique. Pour cela, nous essayons de bâtir divers indicateurs, aussi bien économiques que de risque sanitaire. Dans nos simulations sur les ilots de chaleur urbains par exemple, l’albédo de surface est fondamental, ce que le satellite mesure très bien, tout comme l’occupation des sols. Croisées avec nos bases de données topographiques de terrain, les données spatiales, précises et à jour, apportent de la robustesse à nos modélisations. D’ailleurs les chercheurs du CSTB impliqués sont très heureux de la dynamique SCO et des projets qu’il a permis d’engager.

Justement, en parlant de projets, vous participez à Thermocity, labellisé SCO en 2020, et Sat4BDNB, labellisé ce mois de mars 2022. Quel rôle y tenez-vous ?

J.H. : Pour Thermocity, axé sur la chaleur en ville, nous avons surtout ouvert l’accès à notre coffre de données, le projet avance vite et bien. Pour Sat4BDNB, nous sommes directement porteur de projet pour compléter notre nouvelle Base de Données Nationale du Bâtiment. Nous l’avons construite en récupérant toutes les bases de données nationales existantes ayant trait au logement et à la construction, dont nous avons géolocalisé et regroupé les données autour d’identifiants de bâtiments uniques, ajoutant de l’IA pour compléter les données manquantes. Aujourd’hui cette base de données est le jumeau numérique du parc existant, soit 32 millions de logements. En croisant ces données avec des informations complémentaires venant de l’espace, Sat4BDNB va générer un outil majeur pour la stratégie de rénovation du parc existant.

Quel futur voyez-vous pour le SCO ?J.H. : Dans cette logique SCO où les acteurs de la recherche se fédèrent autour d’objectifs fondamentaux, nous observons que les choses vont plus vite, les résultats sont meilleurs. Je ne peux pas me prononcer sur l’avenir du SCO mais, compte-tenu du temps qui nous reste pour agir, j’appelle de tous mes vœux à soutenir le développement de tels projets, qui apportent des briques élémentaires très utiles à tous les acteurs en combat contre le changement climatique.

 

----------

Entreprise publique au service de ses clients et de l’intérêt général, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment CSTB a pour ambition d’imaginer les bâtiments et la ville de demain, en accompagnant et sécurisant les projets de construction et de rénovation durable, pour améliorer la qualité de vie de leurs usagers en anticipant les effets du réchauffement climatique.

Il exerce pour cela 5 activités clés : la recherche et expertise, l’évaluation, les essais, la certification et la diffusion des connaissances. Il répond ainsi à 3 missions principales au service des acteurs de la construction et de l’intérêt général : créer des connaissances et les partager, accompagner l’innovation, sécuriser et favoriser la performance.