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CAHYSPA

CAHYSPA a pour objectifs de produire des informations hydrologiques sur le bassin versant du Syr-Daria qui alimenteront une plateforme de suivi basée sur la télédétection et des modèles hydrologiques/ hydrodynamiques. La pertinence des développements, notamment au regard des problématiques de gestion transfrontalière des cours d’eau, sera assurée par la co-construction avec les partenaires locaux.

Hydrologie de l'Asie centrale depuis l'espace

 

Présentation

Contexte

L’Asie centrale est composée de cinq pays (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Turkménistan) qui partagent des ressources en eau à travers plusieurs grands fleuves, tous prenant leur source dans les montagnes du Pamir et du Tien Shan. Parmi ces fleuves, le Syr Daria est un fleuve transfrontalier caractérisé par le fait que deux pays en amont (le Kirghizistan et le Tadjikistan) reçoivent une grande quantité d’eau, tandis que les deux pays en aval (le Kazakhstan et l’Ouzbékistan), situés dans des régions arides avec des précipitations extrêmement faibles (moins de 100 mm par an au-dessus de la mer d’Aral par exemple), dépendent entièrement de l’eau redistribuée dans le bassin versant par les fleuves.

Avant la chute de l’Union soviétique, la gestion de l’eau des fleuves d’Asie centrale était centralisée à Moscou. Après 1991, les fleuves sont devenus transfrontaliers avec des intérêts divergents entre les pays riverains. Par conséquent, la gestion de l’eau a dû être redéfinie dans ce contexte géopolitique. Aujourd’hui, les décisions doivent être prises collectivement dans un cadre transfrontalier avec attribution de quotas et régulation des réservoirs permettant de servir les intérêts de chaque pays de manière concertée et coopérative, comme défini dans différentes conventions et accords politiques signés par les parties.

En résumé, le long du Syr Daria, le Kirghizistan et le Tadjikistan sont tenus de stocker l’eau dans les grands réservoirs (Toktogul et Karaikum) pendant les mois d’hiver et de libérer l’eau au printemps et en été pour l’irrigation au Kazakhstan et en Ouzbékistan. Cependant, le besoin de production d’énergie dans les pays en amont (pauvres) peut les amener à libérer de l’eau en hiver pour la production hydroélectrique. Étant donné que la capacité de stockage des réservoirs en aval comme Chardarya et Karaikum est presque 10 fois inférieure à celle du réservoir en amont (Toktogul), cela peut provoquer des débordements du fleuve et des inondations importantes dans les plaines inondables comme l’Arnasay en Ouzbékistan. Pour organiser efficacement la gestion de l’eau le long du Syr Daria, il est donc essentiel de mettre en place des outils pour un échange transparent d’informations de base comme le niveau d’eau et le débit le long du fleuve et de ses affluents, l’eau stockée et libérée dans les réservoirs, et la quantité d’eau nécessaire et utilisée pour l’irrigation.

Objectifs

🎯 Le projet Central Asia Hydrology from Space (CAHYSPA) vise à développer un centre d’expertise en Asie centrale pour le traitement et l’analyse de l’observation de la Terre (OT) dédié à la surveillance opérationnelle des eaux de surface le long du fleuve Syr Daria.

De plus, les eaux de surface de l’Asie centrale sont impactées par le réchauffement climatique et vulnérables à celui-ci. Une étude récente a montré que, au cours des 80 dernières années, la diminution du débit du Syr Daria était due à 80 % à l’augmentation de l’irrigation et à environ 20 % au réchauffement observé pendant cette période. Un rapport récent de la Banque asiatique de développement conclut que la perte d’eau dans les bassins versants des fleuves d’Asie centrale augmentera considérablement au cours des prochaines décennies en raison du changement climatique. Cependant, il subsiste de grandes incertitudes sur les tendances futures, les projections climatiques montrant que les fluctuations des précipitations varieront entre -5 et +10 %.

Le travail proposé dans ce projet consiste à produire plusieurs variables clés à partir d’observations directes de la Terre (EO) ainsi que de l’assimilation de ces observations dans le modèle hydrologique MGB pour l’estimation des débits, comme cela est fait par d’autres projets SCO en cours sur d’autres bassins fluviaux (comme OpHySE pour le fleuve Maroni en Guyane française et OpHySE-MOCHA sur les fleuves d’Afrique de l’Est). MGB est un modèle pluie/débit largement utilisé pour les fleuves tropicaux, mais des modules supplémentaires pour la contribution du manteau neigeux sont en développement et seront utilisés pour le Syr Daria. L’estimation des débits à plusieurs échelles de temps, basée sur les prédictions du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), sera produite, et ces estimations de débit seront également comparées aux produits de débit SWOT du modèle HiVDI et validées par des mesures in situ.

🎯 Un autre objectif essentiel du projet est de mieux comprendre et modéliser la connectivité entre le fleuve et les réservoirs. Les fleuves et les lacs sont tous deux des composants intégraux du système de drainage mondial. Bien que pratiquement séparés en unités "lotiques" et "lentiques" en raison de leurs différences de temps de résidence et de vitesse d’écoulement, les fleuves et les lacs sont intrinsèquement connectés par des interfaces complexes qui sont rarement claires ou stationnaires. Au lieu de cela, la soi-disant "division lotique-lentique" représente souvent un continuum où les propriétés hydrauliques, ainsi que les processus sédimentaires et biogéochimiques associés, transitent progressivement entre les deux systèmes.

Le responsable de ce projet (J-F Cretaux) est également un collaborateur clé d’un projet américain (LaRiC, Lake River Continuum), visant à rapprocher les sciences des lacs et des fleuves, en particulier vers l’utilisation des données SWOT. Ce projet est financé dans le cadre du programme NASA ROSES pour l’équipe scientifique SWOT. Le projet LaRiC vise à mieux calculer le débit des fleuves coupés par des réservoirs artificiels et à quantifier comment les réservoirs réagissent à l’évolution de leurs apports, ce qui peut être utilisé pour décrypter le fonctionnement des réservoirs et quantifier les services liés à l’eau.

Méthologie

Une pré-étude a été menée au LEGOS (crédits Julien Lefebve) à partir d’ensemble de données de précipitation (une vingtaine de jeux de données a été utilisée), de grilles d’évapotranspiration et de sorties de variations de stocks d’eau grillés avec les mesures GRACE (gravimétrie). Toutes ces données ont été prétraitées et mises en forme au LEGOS (travaux, crédits : Alejandro Blazquez, CNES/Legos). D’après cette pré-étude, les stocks d’eau dans le bassin, montrent clairement une diminution couplée à un cycle pluriannuel d’environ 6 ans (voir figure ci-contre).

Stocks eau GRACE

▲ Variation des stocks d’eau sur le bassin du Syr Darya mesurée par GRACE sur les 20 dernières années. © Julien Lefebve, CNES, LEGOS 

Les études complétant ce premier résultat seront développées au fil du projet. Elles seront articulées selon 4 work-packages :

WP1 - Révision bibliographique et expression de besoin (tâche principale LEGOS et EnviroVision)

  • Révision bibliographique et choix des indicateurs et événements à analyser, choix des modélisations nécessaires et adéquates
  • Enquête auprès des utilisateurs déjà identifiés (universités, gestionnaire de bassin, ministère de l’eau) des besoins en termes de contenu et de partage d’information
  • Mise en place d’une feuille de route pour la suite du projet : quels types de données produire, comment les produire, comment les valider, comment les mettre efficacement à disposition des utilisateurs identifiés ?

Les points listés ci-dessus feront l’objet d’un rapport préliminaire qui sera soumis aux acteurs locaux.

WP2 – Évaluation de produits (tâche partagée Legos, Hydromatters, Kazhydromet)

  • Niveaux, surfaces, à partir des missions altimétriques et optiques (Sentinel, SWOT) et comparaisons/mise en cohérence à l’in situ ;
  • Précipitations (GPM notamment, et comparaisons à l’in situ) ;
  • Variables météorologiques (ECMWF & in situ) ;
  • Autres données pertinentes relevées par les partenaires et détaillées dans le rapport d’évaluation de besoins ;
  • Débits (SWOT, MGB, in situ).

A l’issue du WP2, nous organiserons une campagne sur le fleuve au printemps 2026 (conditionnée par les possibilités réelles de navigation) pour collecter toutes les informations nécessaires afin de faire tourner les modèles, mais aussi pour valider les données satellites : bathymétrie sur plusieurs sections, niveau d’eau, débits, largeur du fleuve.

WP3 – Développement (tâche réalisée principalement par Hydromatters et l’université de l’Illinois sous la supervision du LEGOS et d’EnviroVision)

  • Mise en place d’un run MGB pertinent avec les données in situ existantes et fonction de la disponibilité/qualité des données d’entrée ;
  • Calcul de courbes de tarage par plusieurs méthodes et en conjonction avec les données/stations in situ existantes et/ou anciennes ;
  • Comparaison des sorties de modèles MGB et du produit débit SWOT (qui sera fourni par le projet) ;
  • Régionalisation du projet LaRiC (en lien avec l’université de l’Illinois) sur la mesure des entrées / sorties de réservoirs artificiels et impact sur les mesures de débits ;
  • Mise en place de la plateforme pour visualisation et mise à disposition des données du projet.

WP4 – Rapports fournis par le LEGOS

  1. Étude de besoin à l’issue de l’évaluation avec les partenaires, qui pourra se décliner en deux sous parties « données » et « indicateurs » ;
  2. Rapport de validation au terme de la première année du projet : inter-validation des produits de l’étude (SWOT, débits simulés, LaRic etc.) et indicateurs de qualité (par comparaison avec les données in situ) ;
  3. Rapport final en fin de projet : conclusions de l’étude et proposition de transposition vers d’autres bassins.

Site(s) d’application

Bassin versant de la Syr-Daria. Les pays traversés par le fleuve sont le Kyrgyzstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan.

 

► Bassin de la Syr-Daria, principaux cours d'eau (ligne bleue) et frontières politiques (lignes rouges). Adapté de Pereira-Cardenal et al., 2011, ESSD.

Bassin versant Syr Daria

Données

Satellite

  • Altimétrie nadir : Sentinel-3 et 6, Jason (1,2,3), Topex / Poseidon, Envisat
  • Interférométrie : SWOT
  • Gravimétrie : GRACE

Autres

  • In situ sur débits du Syr Darya, précipitations, niveau des réservoirs (données de campagnes terrains à réaliser pendant les deux ans du projet pour compléter les jeux de données in situ)
  • Grilles météo globale de l’ECMWF, grilles de données de précipitation (base de données FROGGS du LEGOS sur la base d’une vingtaine de produits pluies)
  • Sortie de modèle d’évapo-transpiration

Résultats – Produit(s) final(aux)

  • L’étude consiste à extraire des données satellites les informations (variables hydrologiques) indispensables pour :

    • Comprendre le cycle de l’eau à l’échelle du bassin du Syr Darya

    • Produire des variables de niveau supérieur (débits, stocks) et les cartographier sur le réseau hydrographique

    • Les assimiler dans des modèles (MGB, HiVDI) produites par la société Hydromatters et les valider par des données in situ, soit de réseau existants (en partenariat avec les instituts régionaux) soit à partir de campagnes dédiées sur le bassin (réalisées par l’ensemble des partenaires).

    • Mettre en place un service opérationnel de suivi hydrologique du bassin par données satellites (inclus SWOT)

    • Comprendre le rôle des réservoirs et de leur gestion dans la disponibilité de l’eau pour les applications de gestion transfrontalières. Cette étude sera réalisée en grande partie en relation avec l’université de l’Illinois et le projet LaRiC financé dans le cadre d’un projet de la NASA pour SWOT.

  • Inter comparaison des modèles hydrologiques à notre disposition sur le bassin du Syr Darya (MGB, HiVDI et LaRiC)

  • Rédaction d’une feuille de route pour une mise en place d’une stratégie de monitoring qui corresponde au besoin régional, et identification d’un modèle de transposition vers d’autres bassins de même type, notamment en Asie Centrale.

Références

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