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ClimHealth étape 1 : le démonstrateur est en ligne

Publié le 04/05/2021
Quand un système fonctionne bien, nul besoin de réinventer la poudre, mieux vaut l’améliorer. C’est bien tout l’enjeu du projet ClimHealth, un module d’informations satellitaires environnementales qui s’implémentera sur le système de surveillance sanitaire mondial DHIS2 pour analyser la dynamique des maladies et en développer l’alerte précoce. Démonstration sur la leptospirose à Yangon, au Myanmar.

Une démarche très SCO

Les dynamiques de nombreuses maladies comme la dengue, le paludisme, le chikungunya etc. sont fortement liées au climat et à l’environnement. Porté par l’IRD, le CNES et sa filiale dans le domaine de la santé MEDES, le projet ClimHealth vise à aider les acteurs de la santé publique à utiliser l’information satellitaire pour le suivi des maladies au regard des variations environnementales et développer les systèmes de surveillance et d’alerte précoce des épidémies.

Pour concevoir ClimHealth, le consortium projet a pris le contre-pied des méthodes habituelles et part, comme le recommande le SCO, d’un point de vue utilisateur. Selon Vincent Herbreteau, responsable projet pour l’IRD, « Les données épidémiologiques sont sensibles et ne doivent pas être extraites des systèmes d’information sanitaire pour permettre des analyses environnementales, comme c'est généralement le cas. Avec ClimHealth, nous souhaitons apporter aux institutions la possibilité d’intégrer des indicateurs des dynamiques environnementales, calculés en temps réel, dans leur propre système de surveillance et aider la prise de décision ». Florian Girond, spécialiste en systèmes de surveillance sanitaire, ajoute : « Pour être plus largement utilisé, nous concevons ClimHealth comme un module du DHIS2 [voir fin d’article], le système mondial de gestion d'information sanitaire, utilisé dans plus de cent pays. L’objectif n’est pas de prédire les maladies, dont l’émergence est multifactorielle et en particulier liée aux comportements humains, mais de prédire les environnements et les moments favorables à l’émergence de maladies ».

Démonstration sur la leptospirose à Yangon (ou Rangoun), Myanmar

À l’écoute des partenaires du domaine de la santé, l’IRD réalise tout le développement de l’application ClimHealth dans la continuité du projet S2-Malaria, précédemment mis en œuvre à la Réunion. Pour vérifier le bon fonctionnement de l’applicatif, le consortium projet a réalisé un démonstrateur pour prédire les environnements et les périodes favorables à la transmission de la leptospirose autour de la ville de Yangon au Myanmar (ex Birmanie). « Le choix s’est porté sur la leptospirose, une maladie très liée aux environnements humides, mais peu diagnostiquée en Asie, si ce n’est en Thaïlande où des milliers de cas apparaissent chaque année » explique Vincent Herbreteau. « L’autre élément qui a guidé notre choix est la possibilité de pouvoir calibrer nos modèles sur des données fines acquises dans le cadre du projet Ecomore 2, coordonné par l’Institut Pasteur et dans lequel nous sommes impliqués pour les analyses spatiales. Dans l’agglomération de Yangon, ce projet a permis de développer le diagnostic clinique et les confirmations en laboratoire de la leptospirose dans un réseau d’hôpitaux liés au National Health Laboratory. Nous avons utilisé la localisation des patients et la date de leur infection pour identifier et modéliser les environnements et les périodes favorables à la transmission de la leptospirose. »

  • 3 indices révélateurs

Pour concevoir l’outil, l’équipe s’est en premier lieu attachée à automatiser le suivi des dynamiques environnementales en analysant les images satellite Sentinel-2. Cette automatisation repose sur l’outil Sen2Chain du projet S2-Malaria, opérationnel à la Station SEAS-OI de La Réunion, qui permet de créer des séries temporelles d’indicateurs environnementaux sur des lieux d’intérêt. Parmi ces informations, le modèle utilise les trois indices les plus révélateurs : l’indice de végétation NDVI, l’indicateur d’eau MNDWI et celui d’humidité NDWI Gao.

Yangon NDVI

Traitement de l’image Sentinel-2 au regard de l’indice de végétation NDVI. © IRD/Contains modified Copernicus Data

  • Construction du modèle

La base statistique du modèle prédictif consiste à comparer les indices au regard du lieu et de la date d’apparition des cas positifs, probables et négatifs. L’équipe a testé cinq types de modélisation pour retenir la plus performante (Support Vector Machine, SVM). Celle-ci sera en mesure d’indiquer à un utilisateur l’apparition de conditions environnementales favorables à la transmission de la maladie.

  • Interface cartographique

Afin de visualiser les relations entre les données épidémiologiques, environnementales et le modèle de prédiction, une approche par milieux offre un message plus lisible aux acteurs de santé publique. Partant de l’image Sentinel-2 de Yangon à 10 mètres de résolution, l’équipe a donc découpé le territoire en entités homogènes au regard des paramètres environnementaux (« segmentation »). Il en résulte un peu plus d’un millier de polygones sur lesquels le modèle de prédiction est appliqué. À la manière de calques, l’outil permet alors de visualiser l’évolution spatio-temporelle de chacun des trois indices ainsi que la prédiction pour chaque polygone.

Calque1 MNDWI

Calque 1 : Visualisation de l’indice d’eau MNDWI. © IRD/Contains modified Copernicus Data

Yangon NGWI Gao

Calque 2 : Visualisation de l’indice d’humidité NDWI Gao. © IRD/Contains modified Copernicus Data

Yangon NDVI

Calque 3 : Visualisation de l’indice de végétation NDVI. © IRD/Contains modified Copernicus Data

Yangon model

Calque 4 : Modèle global de prédiction des environnements favorables à la leptospirose basé sur les 3 indices. © IRD/Contains modified Copernicus Data

Du démonstrateur au DHIS2

Disponible en ligne et automatiquement mis à jour à chaque nouvelle image Sentinel-2, soit tous les cinq jours, le démonstrateur Lepto Yangon se montre concluant. La production de données et l’interface cartographique étant opérationnelles, l’équipe de l’IRD s’attèle à préparer l’intégration du module ClimHealth dans le système DHIS2, qui sera effective fin 2022.

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Le DHIS2 (District Health Information Software 2), Système de Gestion d’Information Sanitaire le plus utilisé au monde, couvre une population d’environ 2,4 milliards de personnes dans plus de 100 pays. Il a été développé sous licence libre en collaboration internationale. Dotée d’une banque de données et de fonctions de visualisation sous forme de tableau de bord, sa plateforme offre aux utilisateurs la possibilité de générer des analyses à partir de données en temps réel.