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EO4Wetlands, la dépoldérisation suivie par satellite

Publié le 12/12/2023
Après des siècles de poldérisation, conquête artificielle de sols sur la mer, la dépoldérisation est amorcée pour rendre ces espaces à la nature. Jeudi 9 novembre 2023, le projet EO4Wetlands a véritablement sonné son coup d’envoi avec l’installation d’une sonde au Hedwige-Prosperpolder, en cours de restauration pour permettre à ces milieux de se reconstituer naturellement en zones humides. Découverte.

Barrière protectrice d’autant plus importante dans le contexte actuel d'élévation du niveau des océans, les zones humides jouent un rôle majeur pour contrer des catastrophes comme les inondations et les marées.Face à des tempêtes maritimes récurrentes, certaines côtes d’Europe du Nord engagent une restauration de leurs polders en aménageant des brèches qui vont laisser la mer reprendre sa place. S’ensuit un processus de sédimentation qui favorise une renais­sance relativement rapide des vasières et des prés salés, qui constituent alors un espace tampon pour freiner la houle. Tel est le procédé mis en œuvre par le Living Lab Hedwige-Prosperpolder (LLHPP), à la frontière de la Belgique et des Pays-Bas, suivi de près par le projet EO4Wetlands pour monitorer ces changements.

Préparation sur le terrain

Pour atteindre ses objectifs, il faut parfois savoir « mouiller la chemise », ou plutôt, dans le cas d’EO4Wetlands, chausser les bottes : « Nous avons marché trois heures durant dans la boue ! » s’exclame en riant Cyrille Fauchard, chef de projet pour le Cerema, en évoquant sa première visite en juillet dernier au Hedwige-Prosperpolder. « Surtout, nous avons vu comment, suite à la démolition de digues en 2022, les marées qui affluent et refluent dans le polder laissent place à une végétalisation de type marais. La majeure partie est déjà revégétalisée, c’est impressionnant ! » s’enthousiasme le directeur de recherche, qui poursuit. « Sur place, Stijn Temmerman, géographe spécialiste des paysages côtiers et des rivières de l’Université d’Anvers, s’est fait notre guide. Menant un programme de recherche aux côtés d’autres scientifiques dont des biologistes et des sédimentologues, son équipe assure une surveillance in situ du polder et se montre très intéressée par notre démarche de surveillance par satellite, tout particulièrement pour un monitoring des températures et de la teneur en eau. Ils nous ont ainsi donné accès à des points du polder interdits au public, avec l’autorisation d’installer une sonde pour corréler ses données avec celles des satellites ».

LLHPP juillet 2023

▲ Visite de terrain du 17 juillet 2023 au LLHPP. Vue du polder en cours de revégétalisation avec, en fond, le port d’Anvers. © Cerema

L’équipe EO4Wetlands est donc retournée au polder jeudi 9 novembre 2023 pour installer la fameuse sonde. Celle-ci fournira des mesures quasi continues de la température dans l’air, au sol et en profondeur, ainsi que des notions de teneur en eau. « Ce monitoring permanent est indispensable pour valider les données satellite et les résultats des algorithmes, avec l’avantage d’une sonde connectée qui nous permet de récupérer facilement les mesures via un cloud web » précise Cyrille Fauchard.

LLHPP sonde

▲ À droite de l’image, la sonde mesure de multiples paramètres sur 1 m de profondeur (température, teneur en eau, permittivité, conductivité). © Cerema

 Préparation de l’application

Ici, la société Geomatys entre en piste, chargée de développer l'outil qui produira notamment des cartes d'évolution de la végétation. Pour cela, elle va générer un jumeau numérique du polder : « nous travaillons actuellement sur le cube de données, qui va accueillir des données différentes et complexes : géophysiques, hydrologiques, océanographiques, altimétriques, météorologiques... Certaines proviendront de capteurs LIDAR (mesures à distance par laser), d’autres de satellites (dans les domaines visible, radar, thermique), sans oublier les données in situ. Le jumeau numérique va agréger toutes ces données pour visualiser l’évolution du polder. Nous sommes d’ores et déjà capables de modéliser la surface de l’eau et de l’adapter aux hauteurs d’eau mesurées en temps réel par la sonde in situ » explique Vincent Heurteaux, ingénieur en télédétection et directeur de Geomatys.

Image ASTER du polder

▲ Le modèle numérique de terrain de la zone du satellite ASTER est la toute première image de test. © Image : NASA / MNT : Cerema

En parallèle, le Cerema a recruté un post doctorant qui, dès février 2024, travaillera sur la brique végétation à partir d’images satellites. Il sera pour cela accompagné de Teodolina Lopez, ingénieure-chercheure du Cerema : « l’objectif consiste à développer une chaine de traitement pour classifier la végétation afin d’étudier les changements dans le temps, notamment avant/après une rupture de digue. La brique principale reposera sur des observations dans le visible puis nous testerons la plus-value -ou non !- de l’imagerie thermique et radar ».

D’ici là, Teodolina Lopez va traiter tout un panel d’images du polder qui serviront à Geomatys pour ses premiers tests : des images ASTER thermiques de jour et de nuit, des images radar Sentinel-1, des images Pléiades (domaine visible), sans oublier les images LIDAR.

EO4W cartes thermiques

▲ Extraits de différentes cartes de températures de surface estimées par a) Landsat 8 et b) et c) MODIS Terra. © Images : NASA / LST : Cerema

Voilà donc un beau projet sur les rails, que nous suivrons avec attention !