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Face aux cyclones avec Cimopolée

Publié le 23/11/2023
Avez-vous déjà vécu un cyclone ? Quand il frappe à votre porte, l’angoisse vous étreint et, après plusieurs heures d’un défoulement rageur, la vision est apocalyptique. Pour certains, la vie est la seule chose qu’ils n’ont pas perdue. Pour tous, démarre la lourde tâche de reconstruire, vaille que vaille, en sachant que cela pourra se reproduire. La résilience aux cyclones passe par une meilleure prévision des impacts probables, ce à quoi travaille le projet Cimopolée.

La force et la vitesse de développement des cyclones surprend un peu plus chaque année. Ce qui est tout à fait logique puisque l’eau chaude des océans est leur moteur, et que la température de l’océan ne cesse d’augmenter. Pour les pays fréquemment exposés à leurs trajectoires, comprendre le phénomène, suivre et quantifier les impacts devient une nécessité.

Comme à Madagascar, territoire de mise en œuvre du projet Cimopolée, porté et coordonnée par l’Unité Mixte de Recherche Espace-Dev, au travers de ses composantes Université de La Réunion et IRD, depuis la station SEAS-OI à La Réunion. Objectif : développer un outil automatique en ligne basé sur des produits satellitaires. Comme l’expose Christophe Révillion, géomaticien télédétecteur à l’UMR Espace Dev, « À Madagascar, une rivière qui grossit devient rapidement une barrière géographique infranchissable, empêchant les services d’intervention de se rendre sur le terrain. Disposer le plus vite possible d’un maximum d’informations est indispensable aux autorités publiques, d’abord pour anticiper les zones touchées puis, lorsque le cyclone est passé, pour avoir des informations sur les populations et les infrastructures impactées ».

Déjà forte des chaînes de traitement automatisé autour des données Sentinel-1 et 2 qu’elle a développées ces cinq dernières années, l’équipe projet s’est rendue en octobre 2023 à Madagascar pour présenter les fonctionnalités qu’elle envisage pour le futur outil aux partenaires locaux, le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes à Madagascar (BNGRC) et l’Institut et Observatoire de Géophysique d’Antananarivo (IOGA).

Cas d’étude : Freddy, un cyclone à double tranchant

Pour montrer les traitements qu’il est possible de réaliser et les données que l’on peut en extraire, l’équipe a focalisé le démonstrateur sur le cyclone Freddy qui, début 2023, a traversé le territoire malgache à deux reprises.

L’équipe s’est en premier lieu attachée à reconstituer la trajectoire de Freddy avec divers points de mesure dont la couleur varie avec leur intensité.  En parcourant ces points de mesure, il apparaît que les pluies les plus intenses ont lieu lorsque le cyclone « se recharge » dans les eaux chaudes du canal du Mozambique. C’est donc autour de ce temps-là qu’elle calibre sa méthode, en sélectionnant des images Sentinel-1 (radar) et Sentinel-2 (optique) avant et après cet épisode.

Cyclone trajectoire

▲ Trajectoire du cyclone Freddy. © Cimopolee

Puis, si l’observation des cartes de pluviométrie montre que la côte Est est fortement arrosée, l’équipe a choisi de contextualiser l’évènement plus particulièrement sur le district de Tuléar, dans le sud-ouest de l’île. « Sur cette zone habituellement peu sujette aux pluies et aux inondations, les fortes précipitations générées par le cyclone vont impacter le territoire d’une manière différente. Cette zone présente donc un grand intérêt pour paramétrer nos chaines de traitement destinées à prévoir les zones inondées et leur superficie » explique Christophe Révillion.

Cyclone pluviometrie

▲ Carte de pluviométrie post cyclone et sélection du district de Tuléar dans le rectangle noir. © Cimopolée

Cyclone zoom pluviometrie

▲ Zoom sur la pluviométrie mesurée dans le district de Tuléar. Sur le graphique en partie droite, les barres bleues sont des points de mesure de pluviométrie par satellite, et la courbe rouge traduit le cumul de pluie. L’ensemble montre une forte et soudaine augmentation. © Cimopolée

Cyclone surfaces inondées

▲ La chaine de traitement fait apparaître en bleu les zones inondées du district de Tuléar avec, à droite, des informations statistiques : dates de l’évènement, puissance maximale des rafales, superficie des zones inondées, nombre de bâtiments et d’infrastructures routières touchés. © Cimopolée

Selon Florent Veillon, ingénieur en télédétection et programmation, « Notre objectif vise à produire un système semi-automatique, voire 100% automatique. S’agissant des données de contexte, nous savons que nous pouvons viser le 100% car nous réalisons déjà une production systématique de données satellite Sentinel-2 à SEAS-OI, qui sont stockées dans notre base de données. Également satellitaires, les données de pluviométrie sont aisément récupérables de façon automatique en quasi temps réel. Nous travaillons donc à faire en sorte que nos chaines de traitement puissent automatiser la détection de changements pour produire des cartographies d’impacts, et notamment de zones inondées ».

Rencontre avec le BNGRC

Au sortir de cet atelier utilisateurs, l’équipe Cimopolée s’est vue invitée à visiter les locaux du BNGRC de Madagascar. Accueillis par le Directeur, ce dernier s’est montré bien au fait du projet.

 

▶︎ Réunion de travail lors de la visite du centre opérationnel du BNGRC. © UMR Espace-Dev

Reunion au BNGRC

De quoi booster encore plus la motivation de Christophe Révillion et Florent Veillon : « L’institution est réellement intéressée par ce partenariat, dont elle attend des données hydrologiques, tout particulièrement sur les zones inondées. Nous avons découvert un service très bien équipé et bien pensé, notamment la salle de contrôle d’où ils peuvent alerter la population locale lorsqu’ils identifient qu’un risque arrive sur une zone. Ils disposent pour cela de moniteurs où s’affichent en temps réel des données cartographiques et géographiques issues de stations de mesures in situ mais aussi beaucoup de remontées téléphoniques d’observation, y compris de particuliers. Les infos de Cimopolée, à partir de données spatiales, peuvent parfaitement s’intégrer dans leur dispositif pour leur fournir les données dont ils ont besoin ».

En avant toute !

L’équipe projet va désormais pouvoir ajuster ses chaines de traitement aux besoins et remarques exprimés par les futurs utilisateurs, mais aussi développer l’interface la plus adaptée à tout cela. Interactive et en accès libre, elle offrira la possibilité de récupérer l’ensemble des donnés au format SIG pour pouvoir les injecter dans leur propre système.

Le BNGRC ayant émis le souhait de tester l’outil dès la prochaine saison cyclonique (janvier à février -voire avril- 2024), l’équipe fait tout son possible pour livrer un premier prototype fin 2023-début 2024.

Auparavant, Florent Veillon et Pascal Rakotomondrindra, ingénieur au BNGRC, ont fait partie de la délégation SCO présente à la GEO Week du 6 au 10 novembre 2023 pour présenter cette méthode et ses objectifs.