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Tête à tête avec l’IRD

Publié le 30/06/2021
L’augmentation du réchauffement planétaire devrait entraîner l'émergence de conditions climatiques sans précédent dans la zone intertropicale, avec des impacts notables sur la croissance économique et les populations. Or il est un organisme français spécialiste des « pays du Sud » : l’IRD, Institut de recherche pour le développement, qui retrouve dans le SCO les valeurs inscrites dans son ADN. Entretien avec Céline Mari, Directrice du département scientifique DISCO (Dynamiques internes et surfaces des continents) de l'IRD.

Qui est l’Institut de recherche pour le développement ?

Céline Mari : L’IRD est un organisme de recherche public, tout particulièrement attaché aux pays du Sud, situés dans les zones intertropicales et méditerranéennes. À la recherche de solutions adaptées à tous les défis que rencontrent notre monde et les sociétés, sa double tutelle - ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et ministère des affaires étrangères - lui confère un statut de diplomate scientifique. L’IRD s’est très rapidement positionné sur l’agenda international pour le développement durable. Il s’organise structurellement autour de cette problématique, avec la particularité de co-construire un partenariat éthique et durable avec des pays méditerranéens et intertropicaux. Impulsées par notre nouvelle gouvernance en la personne de Valérie Verdier, la science de la durabilité caractérise aujourd’hui l’Institut. Cela signifie travailler à des approches très transversales, interdisciplinaires et inclusives, raison pour laquelle la société prend une place importante dans la stratégie de l’Institut.

Céline Mari, IRD

Céline Mari © IRD

Depuis quand l’IRD s’attache-t-il aux questions de changement climatique ?

C.M. : Depuis sa création en 1944, l’IRD a travaillé à acquérir des données en hydrologie, géologie, écologie etc. dans le monde intertropical, initiant les premières observations pour l’étude du changement climatique. Aujourd’hui, cette problématique se construit à l’IRD sur l’ensemble des disciplines que touche le changement climatique. Pour accentuer plus avant cette approche transdisciplinaire, notre gouvernance a décidé d’organiser les études de l’IRD autour de 9 grands défis : biodiversité, géo-ressources et durabilité, villes durables, littoral et mer, sols et terres, systèmes alimentaires, changement climatique, migrations et OneHealth (« une seule santé »). J’aimerais à ce titre mentionner de grands programmes comme PREZODE, une initiative internationale inédite pour prévenir les futures pandémies.

Quelle est votre vision du SCO France, pourquoi l’IRD a-t-il décidé d’y prendre part dès sa création ?

C.M. : Cette adhésion fait pleinement sens car le SCO, dans sa philosophie, apporte un écho très particulier au sein de l’IRD. D’abord car il promeut une vision internationale et une approche par partenariat public/privé, deux composantes originelles de la démarche de coopération scientifique et technique de l’IRD. Ensuite car le SCO priorise une approche construite sur un besoin exprimé des territoires et de la société, ce qui entre en pleine résonance avec la science de la durabilité promue par l’Institut.

« Cette construction du SCO à l’échelle des besoins des territoires pour aller chercher ou enrichir des outils à l’échelle internationale correspond exactement à ce sur quoi travaille l’IRD avec ses partenaires du Sud. »

Cela fait déjà longtemps que l’IRD est partenaire du spatial dont il utilise les nombreuses données. Qu’attendez-vous du SCO ?

C.M. : La mission affirmée du SCO de travailler à des solutions opérationnelles encourage les chercheurs/chercheuses et collaborateurs/collaboratrices de l’IRD à orienter la réflexion initiale, dès la construction des projets, vers l’aide à la décision. Se mettre dans ces dispositions enrichit les équipes, stimule leurs réflexions pour repenser leurs recherches et les co-construire avec des partenaires économiques. Le SCO permet donc de concrétiser une démarche qui existe déjà à l’IRD en apportant toute la dimension opérationnelle, qui plus est dans un cadre de discussion propre à une fertilisation entre les organismes.

Comment l’IRD décide-t-il des projets SCO dont il est partenaire et quel accompagnement leur prodigue-t-il ?

C.M. : L’IRD n’intervient pas en amont des soumissions de projets car l’Institut a pour principe de laisser parler l’intelligence collective de ses chercheurs et chercheuses, qui sont des experts en leurs domaines. En revanche, les projets qu’ils proposent au label SCO sont généralement le fruit d’un travail collaboratif avec des partenaires Sud accompagnés en amont par l’IRD et ses dispositifs (comme les laboratoires mixtes internationaux). Ces chercheurs et chercheuses ont donc déjà bénéficié de dispositifs de l’IRD (expatriation, missions de longue durée, accompagnement de jeunes équipes coordonnées par des partenaires Sud etc.). Ils n’ont cependant pas toujours le réseau de partenaires du monde économique et industriel. En cela, le SCO est très aidant, tandis que l’IRD peut leur prodiguer un accompagnement en matière de politique scientifique internationale. Dernier type d’appui : on voit que les projets SCO - et je trouve cela très intelligent - requièrent de s’appuyer sur des infrastructures de recherche nationales et internationales. L’IRD cofinance ces infrastructures, notamment en matière d’observation (comme l’IR OZCAR, observatoire de la zone critique, et son pendant européen eLTER) et de données (IR Data Terra).

L’IRD participe déjà à 5 projets SCO : ClimHealth, Vimesco-Rice, Mangroves, EO4DroughtMonitoring, Stock Water. Quel est selon vous le plus emblématique de ces projets au regard de l’IRD ?

C.M. : Santé, système alimentaire durable, biodiversité, défi climatique et gestion de l’eau : la diversité des projets déposés est tout à fait représentative de ce qui se fait à l’IRD. Je trouve d’ailleurs très enthousiasmant que des collègues d’expertises si diverses se soient appropriés l’appel du SCO ! S’il faut parler d’un projet plus particulièrement, j’opterai pour Stock Water, porté par le CNES et l’IRD, et qui se consacre à la gestion de l’eau, notamment associée aux barrages. Si cette problématique est un sujet historique à l’IRD, on voit dans ce projet tout ce que le SCO va pouvoir apporter en termes de « fertilisation » Nord/Sud, puisque cette étude va se dérouler sur des barrages au Nord avec un miroir dans plusieurs pays d’Asie et d’Afrique. Ce projet est donc représentatif de la façon dont un modèle opérationnel, mis en place par le SCO, va pouvoir être validé puis adapté aux pays Sud qui connaissent cette problématique commune de gestion de leurs ressources en eau mais dans des contextes climatiques, socio-économiques et urbains très différents. Ce type de projet constitue un trait d’union très important entre les pays et prouve, ainsi que le soutient l’IRD, que l’échange d’expertise et de solutions n’est pas que Nord-Sud mais aussi Sud-Nord et Sud-Sud.

L'oued Nebhana en Tunisie

Périmètres irrigués par l'aménagement de l'oued Nebhana en Tunisie. © IRD - Christian Leduc

Quel futur voyez-vous pour le SCO ?

C.M. : La dimension internationale est très clairement ce qui va être prégnant car le SCO va pouvoir renforcer et rendre visibles des actions dans les pays du Sud, via des SCO nationaux dans ces pays ou par d’autres actions traitées au niveau international. Un autre grand aspect de la philosophie SCO qui nous tient à cœur est la formation. Alors que nous voyons très nettement un besoin d’acculturation des partenaires Sud à la donnée spatiale, les projets SCO ont le potentiel de faire en sorte qu’ils s’approprient totalement la dimension croisée entre données satellites et données socio-économiques. Cette composante formation est appelée à se formaliser et constituera une grande plus-value pour tous. Enfin, les projets tels que déposés aujourd’hui par l’IRD et ses partenaires ont besoin d’aller chercher d’autres financements. Il y a donc toute une dynamique à soutenir et, là encore, l’IRD a le potentiel pour l’accompagner au Sud quand le SCO crée un tremplin mondial : plus il sera reconnu internationalement, plus cela facilitera le financement de projets avec de grands bailleurs comme l’AFD.

Communiquez-vous sur le SCO ?

C.M. : Notre gouvernance est sensible à l’existence du SCO, qui est maintenant bien connu de nos unités de recherche. Nous continuons d’en faire la promotion, notamment auprès de nos partenaires Sud et de nos 36 représentations internationales, qui constituent des ponts essentiels pour faire connaître le programme et susciter de nouveaux projets. Je suis d’autant plus enthousiaste à parler du SCO que sa découverte m’a agréablement surprise : là où je m’attendais à un appel d’offres « classique », j’ai trouvé un lieu d’échanges très fructueux. À travers l’étude de chaque projet s’exprime la vision des différents organismes, la façon dont ils abordent les données satellites et comment les unités de recherche se les approprient. Le SCO s’inscrit pleinement dans un esprit gagnant-gagnant très enrichissant pour tous, cela doit continuer et se concrétiser !

Agriculture irriguée en Inde du Sud

Agriculture irriguée en Inde du Sud. L’IRD comme le SCO privilégient une approche transverse des solutions d’adaptation au changement climatique. © IRD - Jean Riotte

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L'IRD est un établissement public français placé sous la double tutelle des ministères de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et de l’Europe et des Affaires étrangères. Il porte une démarche originale de recherche, d’expertise, de formation et de partage des savoirs au bénéfice des territoires et pays qui font de la science et de l’innovation un des premiers leviers de leur développement. Acteur français majeur de l’agenda international pour le développement, les priorités de l'IRD s'inscrivent dans la mise en œuvre, associée à une analyse critique, des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2015 par les Nations unies.